Labo hépato-neuro

Historique de l'EH

Les premières mentions de symptômes associés à l’encéphalopathie hépatique remontent à 1860 dans le « A clinical treatise on diseases of the liver », de Dr Frerichs. Il décrit plusieurs cas de ses patients :

Cases have repeatedly occurred to me, in which individuals who for a long period have suffered from cirrhosis of the liver, have suddenly presented a series of morbid symptoms which are foreign to that disease. They have become unconscious, and have been afterwards seized with noisy delirium, from which they passed to deep coma,and in this state have died.

Il ouvre la porte à la recherche en précisant que les causes lui étaient inconnues.

It still remains for us to allude to the causes of the nervous symptoms, the delirium, the somnolence, and the coma, which are frequently observed in fevers complicated with jaundice.

Dès 1877, un russe, Nikolai Vladimirovich Eck a développé un modèle pour étudier le foie s’apparentant à la dérivation portosytémique, la fistula de Eck chez 8 chiens. Un collègue Ivan Pavlov (celui des « réflexes de Pavlov ») a utilisé cette technique pour étudier la digestion (ces chiens sont incapables de digérer un repas de viande) et ces travaux l’ont mené à son prix Nobel de 1904. Déjà à cette époque, on avait remarqué que l’injection de substances nitrogénées provoquait un coma. Toutefois les difficultés inhérentes au dosage de l’ammoniaque sanguine n’avaient pas permis de le démontrer hors de tout doute.

En 1930, Van Caulert and Kirk ont publié des travaux sur la tolérance de l’ammoniaque chez des patients cirrhotiques. Toutefois d’autres facteurs confondants font tomber cette hypothèse en désuétude pour près de 20 ans. En même temps (1932), Hans Krebs et Kurt Henseleit publient leur cycle d’urée (un ensemble de réactions biochimiques dans le foie dont les produits finaux sont l’urée et l’ammoniac), le premier cycle métabolique a avoir été décrit. (Krebs, 1973)

Une première étude clinique, en 1948, avait pour but d’étudier les patients cirrhotiques avec un coma « compliqué » et « non-compliqué » afin d’en ressortir des observations susceptibles d'aider au traitement de ces patients. Malheureusement aucune observation clinique ou laboratoire ne leur permettent de distinguer les 2 groupes, bien qu’ils aient identifié des facteurs, aujourd’hui appelés les « précipitants », et qu’ils proposent de traiter afin d’éviter le coma :

[liver coma arose], either spontaneously or as the result of infection, hemorrhage or sedation. Treatment, which is generally unsatisfactory, is directed at maintenance of nutrition, control of infection or hemorrhage and avoidance of sedatives.

En 1952, près de 20 ans plus tard, une autre équipe de médecins ont répété les expériences de Caulert and Kirk. L’injection d’ammonium chez des patients avec une maladie de foie a provoqué des réactions similaires au coma hépatique, suggérant que l’ammoniaque soit impliqué dans la pathogenèse (Philips et al, 1952). Depuis, l’ammoniaque est devenu un facteur incontournable pour de nombreux chercheurs qui étudient les maladies hépatiques.

En 1971, la société « International Symposium on Ammonia Metabolism » fut créée. La 1ere rencontre eut lieu en 1972 à Budapest (Hongrie). L’invité spécial était nul autre que Dr Hans Krebs, 40 ans après sa découverte du cycle d’urée (Krebs, 1973).

Une des plus grandes avancées médicales fut l’avènement de la transplantation de foie. Tentée à plusieurs reprises en 1963 par Dr Thomas Starzl (Colorado, USA) ainsi que dans d’autres institutions, la mort de tous les patients mena à un moratoire, arrêtant momentanément ce type de chirurgie. Entre temps, un immense de travail de recherche sur les antigènes HLA a permis d’améliorer les connaissances. Les immunosuppresseurs rendus disponibles en 1967 changea la donne, augmentant pour la première fois la survie à près de 2 ans post-transplantation. En 1983, une conférence des National Institutes of Health a établi le consensus médical approuvant la transplantation comme option thérapeutique.

Au Canada, la 1ere transplantation de foie fut effectuée par l’équipe de Dr Pierre Daloze, en 1970, à l’hôpital Notre-Dame. En 2004, une première greffe avec donneur vivant fut réalisée au CHUM. De nos jours, au Québec, environ une centaine de foies sont transplantés chaque année (statistiques 2007-2016 de Transplant Québec).

De « portal-systemic encephalopathy (encéphalopathie portosystémique)» décrite par Dre Sherlock et al en 1952, à encéphalopathie hépatique quelques années plus tard, la nomenclature et la définition ont beaucoup évoluées au cours des décennies. À la fin des années 1970, une forme « subclinical (sous-clinique)» d’EH fut décrite, qui fut renommée dans les années 1990 en « minimal hepatic encephalopathy (EH minimale)». Le terme maintenant utilisé est « covert EH (EH latente)» afin d’évacuer la notion que les symptôme sont légers et peu handicapants pour les patients atteints. Encore de nombreuses recherches seront nécessaires afin d’établir les mécanismes menant au dysfonctionnement du cerveau afin de pouvoir traiter les patients cirrhotiques éprouvés par les différentes formes d’encéphalopathie hépatique.

"A clinical treatise on diseases of the liver" de Dr Frerichs, une des premières mentions de l
"A clinical treatise on diseases of the liver" de Dr Frerichs, une des premières mentions de l'encéphalopathie hépatique



Références

  1. Gerald B. Phillips, Robert Schwartz, George J. Jr. Gabuzda, Charles S. Davidson (1952) The Syndrome of Impending Hepatic Coma in Patients with Cirrhosis of the Liver Given Certain Nitrogenous Substances. N Engl J Med, 247: 239-246. doi: 10.1056/NEJM195208142470703
  2. Piero Amodio (2015) Hepatic Encephalopathy: Historical Remarks. J Clin Exp Hepatol, 5: S4-S6. doi: 10.1016/j.jceh.2014.12.005
  3. Jorge Rakela, John J. Fung (2017) Thomas E. Starzl, M.D., Ph.D. (1926–2017). Hepatology, 66: 306-308. doi: 10.1002/hep.29214
  4. Hans Krebs (1973) The discovery of the ornithine cycle of urea synthesis. Biochemical Education, 1: 19-23. doi: 10.1016/0307-4412(73)90048-4
  5. Friedrich Theoror von Frerichs (1860) A clinical treatise on diseases of the liver. London The New Sydenham society, : 446.